vendredi 14 août 2009

Journal du camino Roncevaux - Santiago



JOURNAL DU CAMINO
Roncevaux - Santiago

2009

Sidney





Mars et avril. Paris
Le chemin de Saint-Jacques de Compostelle que j'ai fait est l'un des plus connus, il part de la ville du Puy et, par Conques, Moissac et Aire sur l'Adour, va jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port, au total 750 kilomètres pour la partie française ; la partie espagnole a la même longueur et passe par Pampelune, Burgos et Léon. La première partie s'appelle le chemin du Puy, la seconde, le camino frances.

J'ai commencé à faire ce chemin par hasard. Au début des années 2000, il m'arrivait d'acheter des livres de la collection Voyageurs de chez Payot, j'avais lu Chemin faisant de Jacques Lacarrière, Urubamba, Chronique de l'Amérique du Sud sauvage, de Peter Matthiessen, et, un jour, j'ai pris Retours à Conques, de Jean-Claude Bourlès ; c'était le récit des neuf premiers jours du pèlerinage à Compostelle, du Puy à Conques. Je prêtai le livre à une amie, Pauline, de Saint-Justin, dans les Landes, mais qui habite maintenant à Paris, Place des Fêtes ; elle fut tellement séduite et même fascinée par cette entreprise individuelle qu'elle décida d'essayer de la réaliser. Elle dut s'y reprendre à deux fois : la première, elle se fêla la cheville le premier jour, dans la descente de Saint-Privat, juste avant d'arriver à l'étape. La seconde fois, elle réussit à atteindre Conques mais souffrit le martyre pendant les trois derniers jours à cause d'une tendinite. Pour voir si c'était si difficile que ça, je décidai d'essayer de faire avec elle la suite du pèlerinage. Pauline et moi nous avons donc marché, en avril 2004, de Conques à Cahors (c'est le tronçon le moins pittoresque de l'itinéraire), puis, en octobre 2004, de Cahors à Condom, et, en mai 2005, de Condom à Roncevaux. Aucun de nous deux n'eut vraiment de mal à faire, pendant une semaine ou deux, les 20 à 25 kilomètres quotidiens avec sur le dos un sac de sept à neuf kilos. Pourtant j'avais 74 ans et elle dix de moins. La seule chose dont nous souffrions c'était l'inconfort des dortoirs des gîtes (surtout à cause des ronfleurs), aussi couchions-nous, le plus souvent, dans des chambres d'hôtes ou dans de petits hôtels.

L'arrivée à Roncevaux marquait, pour Pauline, la fin de la partie française (et même davantage car nous avions fait la première – et presque la plus dure – étape de la partie espagnole, la montée des Pyrénées, de Saint-Jean-Pied-de-Port à Roncevaux) ; aussi s'intéressa-t-elle désormais au pèlerinage en Espagne qu'elle accomplit seule, les années suivantes, en deux ou trois expéditions.

Quant à moi, je pensais aussi que j'en avais fini, mais c'était avec l'idée même du pèlerinage. Bon, j'avais marché 550 kilomètres (en trois fois), j'avais prouvé que j'en étais capable, inutile d'en administrer la preuve dix fois de suite. Pourtant, au début de l'été suivant, alors que j'étais seul à Paris, je décidai de combler le blanc que j'avais laissé dans l'itinéraire de la partie française, à savoir du Puy à Conques, et, du 19 au 28 juillet 2005, je m'en allai faire ces 200 kilomètres. Ce fut un bienfaisant et délectable voyage. Parce que c'est le plus beau tronçon de l'itinéraire français (par beau temps l'Aubrac est admirable) et surtout parce que je le parcourus seul, ce qui m'obligea à ne compter que sur moi-même – les sentiments et les sensations du voyageur sont alors beaucoup plus vifs – et me permit de faire davantage de rencontres. J'en envoyai le récit à ma fille qui s'en inspira pour écrire un synopsis qu'elle proposa à la télé. Par professionnalisme, elle voulut faire les deux premières étapes du pèlerinage, et je l'accompagnai du Puy à Monistrol. Nous écrivîmes ensemble le scénario, le film fut réalisé et sortit en juin 2009.

Quelques semaines avant cette diffusion, et alors que je ne savais pas qu'elle allait avoir lieu, je décidai de faire la partie espagnole du chemin ; j'avais déjà pris cette décision à deux reprises, et chaque fois j'avais échoué et de la même façon. En avril 2007 et en août 2008, j'avais fait mon sac, pris le TGV jusqu'à Bayonne puis le Ter jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port, j'étais allé chez mon amie Charlotte qui habite là-bas (il était convenu qu'elle me mènerait en auto à Roncevaux, à 25 kilomètres de là, d'où devait commencer mon chemin – elle avait même imaginé faire avec moi les deux premières étapes si j'arrivais au début d'un week-end – mais pour des raisons diverses (le mauvais temps, le manque d'envie) j'étais, après trois jours passés chez Charlotte, chaque fois retourné à la gare et revenu à Paris, sans même être allé revoir Roncevaux.

En ce début 2009, ma situation n'est pas plus brillante que les années précédentes, bien au contraire : je suis plus vieux (j'aurai 78 ans en mai), et en outre déprimé parce que je n'arrive plus à écrire (je ne suis pas un professionnel, j’écris juste pour ne pas perdre mon temps). Je pense que c'est ça qui m'a déprimé, mais peut-être est-ce une conséquence plutôt qu'une cause. Je suis allé voir mon généraliste et lui ai raconté mon problème : il l'a pris très au sérieux, il m'a prescrit un médicament. En rentrant chez moi j'ai jeté les boîtes du médoc et décidé de partir en Espagne. Marcher c'est écrire, il faut que je marche puisque je n'écris plus. Mais peut-être que marcher c'est plutôt lire.

J'ai essayé mon sac. Il est trop lourd. J'ai enlevé les espadrilles, le shampoing. Je vais laisser mes Nike et prendre à leur place une paire de tennis légères. Je pars avec plus d'espoirs que de craintes. Si tout va bien, j'aurai 78 ans sur le chemin, quelque part entre Molinaseca et Villafranca. Que Dieu nous protège tous.


1. Mardi 28 avril. Paris – Roncevaux – Espinal (6 km)
Je n'ai pas prévenu Charlotte que je faisais cette nouvelle tentative, j'ai trop peur d'échouer. Arrivé à Saint-Jean-Pied-de-Port, à 16 h 30, le taxi de M. Navarre me conduit à Roncevaux ; quand on entre en Espagne, au village de Valcarlos, il n'y a pas écrit sur le panneau indicateur : Espagne, mais Nafarroa, ce qui veut dire Navarre en basque ; ici, les provinces sont plus importantes que la nation, je vais pouvoir vérifier cela pendant tout mon voyage : chaque fois que sur une affiche on parle du Gobierno, ce n'est pas de celui de M. Zapatero qu'il s'agit, c'est de celui de la province. M. Navarre me dit que depuis deux jours il y a de nouveau de la neige au col Lepoeder, où passe l'itinéraire normal du camino (le chemin), et que le patron du refuge d'Orisson a été obligé d'accompagner ses pèlerins jusqu'au col. Aujourd'hui, le col est fermé et les pèlerins montent par la route de Valcarlos. On en dépasse un, M. Navarre dit qu'il ne sera à Roncevaux que vers 9 h du soir car il ne prend pas les raccourcis. Je le plains.

Dans ce récit, quand je vais parler du chemin de Compostelle, j'emploierai souvent le mot espagnol, camino ; il est repris par tous les étrangers. L'appellation complète est camino de Santiago. La ville s'appelle Santiago, on n'y ajoute que très rarement de Compostela. Le mot Compostela n'est jamais utilisé seul pour désigner la ville, comme cela se fait en France.

Au bureau des pèlerins de l'abbaye de Roncevaux – qu'il faut maintenant que j'appelle Roncevalles pour me faire comprendre des Espagnols et des pèlerins, – une femme, genre dragon, pose sur ma credential mon premier tampon.

La credential est le passeport du pèlerin. À chaque étape, il faut la présenter pour être admis dans une albergue où on vous la tamponne (elle possède des volets vierges réservés aux tampons). Il faut aussi la présenter à Santiago pour recevoir la Compostela, qui est un certificat attestant que vous avez bien fait le pèlerinage, et c'est la suite des tampons qui en apporte la preuve. Plus haut, j’ai dit une albergue mais en espagnol le mot est masculin.

Il est 17 h 30, il y a un petit soleil. Sur la place de Roncevaux, une flèche jaune indique le camino, j'emprunte aussitôt sa direction, laissant derrière moi l'abbaye assez antipathique. Le sentier est parallèle à la route, à 20 ou 100 mètres, et se faufile entre les épicéas et un sous-bois de houx géants. En six km, je ne vais croiser personne sauf une jeune fille en promenade, précédée d'un gros chien, et un homme, avec chien lui aussi, qui va sans doute chercher ses vaches car il est armé d'un bâton. Premier village, Burguete, rue unique, sans piétons ni voitures : les maisons, ventrues et impeccablement entretenues, sont séparées par une petite allée où les gens garent leurs autos, les rendant ainsi invisibles quand on voit la rue en enfilade. Il commence à faire frisquet, j'ai une petite contracture dans le mollet droit, ça doit vouloir dire que je marche trop vite, à cause de l'anxiété due à la solitude ou à la nouveauté de la situation. Je ralentis. À la sortie de Burguete, le chemin traverse la cour d'une ferme où il y a deux immenses bergeries en tôle. Un chien les garde. Il est attaché par une chaîne de 50 m de long, ce qui lui permet de se déplacer sur tout le front des bâtiments. Pas un seul être humain en vue. Le chemin monte sur une petite crête, d'où j'aperçois un troupeau de moutons et les Pyrénées avec le ciel noir des mauvais jours, puis redescend et traverse un ruisseau. J'arrive à un second village, Espinal, j'ai fait 6,4 km. Selon le guide, il y a une maison qui loue des chambres d'hôtes (casa rural) dans de la rue principale du village. J'y frappe. Une dame très souriante m'ouvre, me montre une chambre, la salle de bains sur la palier et me dit que le petit déjeuner sera servi demain matin à 7 h. Pour le dîner, il y a un restaurant à l'autre bout du village. Je paye et fait tamponner ma credential. Alors que je ne croise personne dans la rue, il y a beaucoup de monde dans le restaurant : des hommes ensemble, des jeunes ensemble, des groupes de cinq ou six femmes, avec leurs jeunes enfants et leurs bébés ; tous boivent de la bière ou du coca, mais je suis le seul à dîner, c'est trop tôt pour les Espagnols. En rentrant à la casa rural, je note sur un carnet que j’ai emporté dans ce but, les quelques événements et rencontres de la journée. Tous les soirs, j’y consacre quelques minutes, tout en sachant que ce que je fais est dérisoire, c’est uniquement pour m’obliger à en avoir conscience, à le vivre éveillé. Quand je parlerai des gens rencontrés je leur donnerai un autre nom.


2. Mercredi 29 avril 09. Espinal – Aquerreta (24 km)
Ce matin, en sortant de la casa rural, il pleut doucement et sans vent. Je mets ma cape, achetée 6 € à Go-Sport. Le sentier monte dans la forêt. En quelques minutes, je suis dépassé par plusieurs pèlerins, un Japonais, un Français, et deux jeunes filles qui ont l'air de faire partie de l'équipe de volley-ball de Suède tant elles sont grandes et blondes; nous dépassons une petite dame. Tous ont des bâtons de marche, plusieurs en ont deux ; tous ont de belles capes, plus amples et plus longues que la mienne, qui est en plastique et que les ronces ont déjà déchirée à droite. Par orgueil, j'ai négligé mon équipement. Excepté mes chaussures, mes chaussettes et mon sac, je n’ai rien voulu acheter de spécial pour faire le chemin, j’ai des t-shirts ordinaires, un pull ordinaire, un pantalon de toile ordinaire, un K-way ordinaire. Je m'arrête pour téléphoner à une casa rural de Larrasoana (en principe l'étape du soir) que m'a donné l'hôtesse d'Espinal. Mais ça ne répond pas, et mon guide ne donne aucune adresse de casa rural. Ce guide porte l'horrible nom de Miam-miam dodo, a beaucoup de défauts (surtout celui de donner des plans en lieu et place de cartes) mais c'est le moins mauvais que j'ai trouvé.

Sur le bord du chemin, une pancarte indique qu'un pèlerin japonais est mort ici, il y a quelques années ; sous la pancarte, il y a un tumulus couvert de cailloux. Le caillou est la rose du pèlerin, chaque fois qu'il voit qu'on en a mis quelque part, par exemple, sur le socle d'une statue, ou au pied d'un calvaire, il se dépêche d'en ramasser un et le dépose sur le tas existant. Un bon pèlerin fait le voyage avec, dans sa poche, un caillou de chez lui ; il le déposera au pied de la Cruz de Ferro, quelques étapes avant Santiago.

Je suis rattrapé par la petite dame. Elle est canadienne, de la côte ouest, près de Seattle, a la quarantaine et s'appelle Léonor. Elle est sportive et adore le trecking. Il y a six mois, son ami a fait naufrage en revenant de sa ferme d'huîtres, située à quelques kilomètres de la côte de Willapa Bay. Le marin qui travaillait avec lui a survécu au long séjour dans l'eau parce qu'il état jeune, mais pas lui. Elle a eu envie de faire un break pour réfléchir, elle a pris l'avion pour Paris et a commencé le chemin à Saint-Jean-Pied-de-Port. Elle s'est donné un mois pour arriver à Santiago. Une fois par semaine, elle téléphone à son fils.

Avec Léonor, je monte sur une petite montagne qui s'appelle l'Erro. La montée est courte mais la descente se révèle longue, très pentue, et rendue épouvantable par la pluie ; ce n'est plus un sentier pour le bétail, c'est un torrent, boueux, glissant, plein de cailloux qui roulent sous les pieds. J'ai toutes les peines du monde à me retenir, et mon genou gauche commence à me faire mal. Sur la feuille de route que je m'étais faite avant le départ (deux lignes par étape) j'avais noté cette info trouvée sur Internet : « Grande descente sur Zubiri, chemin très boueux et difficile s'il pleut, prendre la route », mais aujourd'hui j'ai totalement oublié cet avertissement. Si je m'en étais souvenu je serais descendu par la route toute proche, ça m'aurait évité bien des ennuis.

À Zubiri – il est 12 h 30 – j'entre dans un bar et commande une omelette aux pommes de terre, spécialité des auberges du camino, écrit le guide. Les deux « volleyeuses » (en réalité des étudiantes allemandes) sont déjà attablées et boivent du lait ; elles disent qu'elles ont l'intention d'aller jusqu'à Pampelune (encore 21 km). Léonor commande un café et dit qu'elle s'arrête ici. Je sors du bar, il ne pleut plus ; je gagne Larrasoana par la nationale. Je passe aux deux petits hôtels de ce village pour voir s'il leur reste une chambre, mais non, ils sont complets.

L'albergue municipale (qu'on appelle, en France, un gîte) n'est pas encore ouverte. Une quinzaine de pèlerins ont aligné leur sac devant la porte – c'est leur façon de faire la queue – et marchent de long en large pour se sécher. Certains discutent entre eux, des groupes commencent à se constituer. À 15 h, arrive l'hospitalero (le patron de l'albergue), qui annonce fort peu aimablement qu'il n'allumera pas le chauffage. La perspective de coucher dans le froid avec des habits mouillés ne m'enchante guère. Sur le guide, je vois qu'à trois km de là il y a un autre hôtel et je décide d'y aller. C'est, au flanc de la vallée qui descend vers Pampelune, un hôtel de charme, à 54 € la chambre. Ça sera très bien pour ce soir. Je lave mon t-shirt, mon caleçon, mes chaussettes et mon mouchoir et les donne (avec mon pantalon et mon blouson) à l'homme de la réception – fort gentil – pour qu'il les mette dans le sèche-linge. Je masse ma jambe gauche bien qu'elle ne me fasse presque plus mal, je pense que Dieu m'a pris sous sa protection. Je dîne avec des pèlerins de luxe, un couple espagnol de 60 ans et une dame italienne.


3. Jeudi 30 avril 09. Aquerreta – Cizur Minor (17 km)
J'ai bien dormi cinq ou six heures, pris un petit déjeuner sophistiqué avec trois sortes de pain et trois sortes de confitures, et m'en vais à 8 h 15. Le chemin continue à courir au flanc de la montagne. Il fait beau mais pour l'instant, le soleil n'éclaire que l'autre versant de la vallée, au fond de laquelle on entend gronder le rio Arga, et parfois le moteur d'une auto sur la route qui longe la rivière. De temps en temps, le camino est barré par une barrière et une pancarte indique qu'il faut la refermer pour que les animaux ne s'échappent pas. En en refermant une, je casse une branche de mes lunettes, toujours suspendues à mon cou par un cordon ; je ne peux plus lire, sauf à aller chercher mes lunettes cassées dans ma poche.

Je suis rattrapé par un type qui porte un drôle chapeau de pêcheur et à qui je crie : « Vous avez un beau chapeau ! » Du coup, il ralentit et marche avec moi jusqu'à Cizur Minor. Il s'appelle Hubert, a 58 ans et est retraité des hôpitaux où il a commencé à travailler comme apprenti cuisinier, à 14 ans ; il y a trois ans, il a fini comme chef à l'hôpital du Teil, en Ardèche. L'an passé, il a marché du Puy à Saint-Jean-Pied-de-Port, et maintenant il veut aller à Santiago, en 30 jours ; il a déjà pris son billet de retour en avion, de Vigo à Lyon, où sa femme viendra le chercher, il ne faut donc pas qu'il prenne de retard sur son plan de marche. Cette contrainte l'inquiète, mais dans quelques jours il aura vérifié que son plan est faisable et il ne se fera plus de souci. Il marche nettement plus vite que moi, mais, pour l'instant, quelque chose l'incite à rester avec moi : c'est que je parle espagnol.

À l'entrée de Pampelune (ou plus exactement de la commune de Arre qui fait partie de sa banlieue) Hubert me demande de le photographier devant le pont roman. C'est le premier d'un très grand nombre de ponts médiévaux sur lesquels nous passerons. Depuis ce pont jusqu'au centre de Pampelune, il y a une longue rue piétonne qui avance d'abord entre des immeubles neufs, puis dans le centre ancien (casco historico) ; cette calle mayor, à dominante piétonnière, nous la retrouverons dans toutes les villes et les villages (pueblos) que nous traverserons. Hubert a mal à la jambe et me demande d'entrer avec lui dans une pharmacie pour acheter un baume. Dans toutes les pharmacies des pueblos du camino, on tombe, dès l'entrée, sur deux grands présentoirs : l'un offre toute une série de rustines et de pansements pour le traitement des ampoules, l'autre d'innombrables tubes de pommades pour les maux de pieds, de jambes, de dos. La pharmacienne présente les qualités des baumes, je traduis, Hubert fait son choix. Dans une boutique Optical je m'achète des lunettes de secours à 16 €, elles vont faire tout le camino. Nous achetons du pain, du jamon serrano (jambon cru très finement coupé) et des sardinillas (sardinelles, petites sardines), et les mangeons, sur le banc d'une placette, au milieu de la foule, un peu comme des clochards. Le pèlerin ne fait pas bonne figure dans la grand ville.

Nous traversons un grand et beau parc, qui est le campus de l'université de Pampelune, retrouvons la campagne et, très vite, arrivons à Cizur Minor où se trouve l'albergue de Maribel Roncal ; elle est présentée par le guide comme un quatre étoiles et j'ai décidé d'y aller. C'est, sur la colline à côté de l'église, une ancienne maison de maître, avec un jardin où les lilas sont fleuris, des pins, mais pas de grand cèdre (pour donner de la noblesse à une demeure il faut, outre l'architecture adéquate, quelques platanes ou pins parasols centenaires, ou bien un seul grand cèdre). À 14 h, le bureau de l'albergue ouvre. Une vingtaine de pèlerins – certains arrivés depuis midi – se précipitent. L'hospitalera, une dame qui parle assez bien trois ou quatre langues, regarde la credential de chacun, note sur un registre le nom et la provenance du pèlerin, encaisse le prix de la nuitée (ici c'est 8 €), et appose sur la credential le tampon de l'albergue et la date du jour. Parfois un assistant de l'hospitalero vous accompagne jusqu'à votre lit, parfois on vous montre juste le dortoir où vous êtes affecté. C'est le cas, ici. Je choisis, plutôt qu'un châlit, un lit, sous une fenêtre. Nous sommes une trentaine dans un des deux dortoirs où, plus tard, on rajoutera des lits dans l'unique allée. Après avoir fait la queue pour la douche, puis pour le lavabo où je lave mon t-shirt, mon caleçon, mon mouchoir et mes chaussettes (il n'y a que quatre douches, quatre chiottes et quatre lavabos pour 56 places) je vais étendre ce linge dans le jardin ; je tourne un peu en rond sans trouver d'interlocuteur (Hubert en a trouvé un qui s'appelle Honoré), puis vais m'étendre sur mon lit jusqu'à 5 heures, heure à laquelle ouvre la tienda du village. J'y achète pour le déjeuner de demain une boite de sardinillas, du pain et une poire. Dans presque tous les villages que traverse le camino, il y a une tienda, un magasin où on peut acheter de quoi manger, mais aussi ce dont peut avoir besoin un pèlerin : un couteau, des chaussettes, des lunettes noires, des piles, des mémoires d'appareils photos, etc. Dans le jardin de l'albergue, quelques pèlerins sont attroupés autour de l'hospitalera qui perce et panse leurs ampoules. Une jeune fille montre ses pieds ensanglantés, elle ne repartira pas. Un jeune homme vient se plaindre d'une gastro : « Je ne fais que les ampoules », s'écrie l'hospitalera, et elle lui dit qu'il y a un Centro de salud (santé) dans le village. Hubert qui a fait de plus amples repérages me dit que le resto sert à partir de 7 h. Nous sommes une trentaine à y entrer ensemble. Menu du pèlerin à 9,59 € : salade mixte, côte de porc et pommes de terre frites, yogourt. À peine couché (il est 9 h 30) un type se met à ronfler, je l'entendrai toute la nuit.

Sur le camino on peut dormir dans les albergues, dans des casas rurales, ou dans les hostals ou des hoteles. Rien ne distingue ces derniers des hôtels français, les hostals n'étant que des hôtels petits ou moyens. Les casas rurales sont aussi tout à fait semblables aux maisons d'hôtes françaises ; mais en Espagne on trouve dans certains villages un Centro de turismo rural (une maison où la mairie a aménagé plusieurs chambres d'hôtes que des dames du village gèrent pour son compte) et, dans certaines albergues privadas, des habitaciones individuales, en plus des places en dortoirs. Quant aux albergues, il y en a de plusieurs sortes : des paroissiales, des municipales et des privées, mais dans chaque catégorie le confort est variable et imprévisible. Le prix d'une nuitée en dortoir varie de 3 à 8 € mais il n'est pas forcément un gage de confort. Ce qui l'est, c'est la taille des dortoirs : plus ils sont petits, plus on augmente ses chances de ne pas tomber avec un terrible ronfleur et d'avoir de la place pour se mouvoir et ranger ses affaires. L'autre gage de confort, c'est le nombre des douches, chiottes, etc. Dès qu'il y en a un pour sept ou huit personnes, c'est OK. Beaucoup d'auberges sont maintenant en situation de concurrence et certaines sont obligées de faire des efforts pour se moderniser et améliorer le confort. Certaines demeurent très inconfortables, comme celle de Ponferrada, mais les guides n’osent pas le dire.


4. Vendredi 1er mai. Cizur Minor – Puente-la-Reina (18 km)
Nuit sans sommeil, j'ai entendu sonner toutes les heures (plus les quarts et les demis) au clocher de l'église. Je me jure de ne plus aller dans une albergue. Dès 5 h 30, des pèlerins allument leurs lampes frontales et se préparent à partir, on entend les zippements des fermetures éclairs, les froissements des sacs en plastique, les farfouillements dans les mochillas, nos sacs à dos. Quand je vois Hubert bouger je me lève. Au lavabo, je ne me rase pas, décidé à me laisser pousser la barbe, c'est le choix de bien d'autres pèlerins.

Départ avec Hubert et Honoré à 7 h. Nous nous arrêtons au restaurant d'hier soir pour prendre le cafe con leche du petit déjeuner. Honoré est un béarnais, d'Oloron (j'ai envie de lui chanter : « A Oulourou, qu'i aille u-o biella, qui ha mey dé quatrévinditz ans et lou trin trin trintan la biella ... »). C'est la quatrième fois qu'il fait le camino, dont deux fois en partant de chez lui, et avec sa femme. Cette fois il est seul. La première fois, à son retour, il a fait le récit de son pèlerinage, l'a illustré de photos, et l'a montré autour de lui, mais ça n'a intéressé personne ; il en a été très dépité et maintenant il ne parle plus de ses pèlerinages à qui que ce soit, et encore moins de ses motivations. Il pense que chacun a des motivations secrètes. Personne n'avoue vraiment pourquoi il fait le camino, beaucoup ne le savent même pas.

Dès que nous que nous commençons à marcher, Hubert ne s'éloigne pas d'Honoré de plus d'un mètre, c’est que son expérience n'est pas à dédaigner. Grand beau temps, ciel de traîne avec nuages blancs. À la sortie de Cizur, le chemin traverse une plaine couverte de grandes parcelles de blé qui sont chacune d'un vert différent, sans doute selon l'âge ou la qualité du blé. À l'horizon, à sept ou huit km de là, se dresse une petite montagne, l'Alto del Perdon, qui est la difficulté de la journée ; à mi-hauteur, j'aperçois un village, et, tout en haut, des éoliennes, peut-être trente ou quarante, certaines massées en bouquet, d'autres piquées sur la crête, à égale distance les unes des autres. Leurs pales tournent rapidement, il doit faire grand vent là-haut. Dès le début de la montée, Hubert et Honoré me distancent, je ne les reverrai plus avant l’albergue. Je monte tranquillement, sans m'essouffler, et beaucoup de pèlerins me dépassent. Je ne dépasse que quelques personnes arrêtées. Le chemin évite le village à mi-hauteur. En approchant du sommet, je commence à entendre le bruit des éoliennes qui brassent l'air, woom-woom. Sur la crête, le bruit est infernal et le vent de face si violent que je ne m'arrête pas pour regarder la sculpture métallique que je m'étais promis de photographier, je prends juste une photo de la plaine qui s'étend à mes pieds, vers l'ouest, là où va le chemin, et commence la descente.

C'est alors que je m'aperçois que, quand j'appuie mon pied gauche par terre, je ressens une vive douleur sous la rotule ; l'effort que je dois faire pour me retenir dans la pente m'est presque insupportable ; je marche à tout petits pas, en faisant des zigzags ; une Allemande – j'imagine par charité chrétienne mais sans rien me dire – ralentit pour marcher avec moi pendant quelques minutes, puis file. J'apprendrai que sur le camino, on ne s'arrête pas, sauf si quelqu'un est vraiment en danger, les petits problèmes de pieds, de jambes et de dos, les gastros, les coups de pompe ou de soleil, chacun doit les gérer seul, la solution la plus radicale étant de s'arrêter et d'appeler ou de faire appeler un taxi. Au bout d'une heure, j'arrive au bas de la pente (on est descendu de 350 m en deux km) et je peux me remettre à marcher presque normalement. Je ne suis pas démoralisé, je sais que je me suis attaqué à quelque chose qui, vu mon âge, est sinon impossible du moins difficile à réaliser, et que je ne suis ici qu'avec la permission du ciel. Si j'ai des problèmes, qu'il (le ciel) s'en débrouille.

À l'entrée de Puente-la-Reina, voici ma première cigogne, son cou et sa tête dépassent de son nid qu'elle a fait en haut d'une cheminée d'usine. Je rentre en ville, cherche une chambre dans les hôtels de la rue principale, je téléphone à ceux du guide, mais tous sont completos. Je passe le pont fortifié qui ressemble au pont Valentré de Cahors et que je suis venu voir avec un de mes fils quand, en juillet 2003, nous avons fait ensemble un voyage en Aragon, Navarre et Asturies. Honoré m'a dit ce matin que, de l'autre côté de la rivière, et après une courte mais très raide côte, il y avait l'albergue privado, Santiago Apostol, qui est grande (100 places), aménagée en petits dortoirs, et possédant de nombreux chiottes et douches, des machines à sécher le linge, ainsi qu'un bar et un restaurant. J'y arrive à midi, j'ai mis cinq heures pour faire les 18 km. Hubert et Honoré, que je retrouve ici, ont mis une heure de moins. L'hospitalero est un noir, sa femme tient le bar et ses deux enfants jouent dans le jardin. Plus loin, je rencontrerai un autre hospitalero noir, un Brésilien. Mais je n'ai pas vu un seul pèlerin noir, et très peu d'Espagnols noirs, je me souviens seulement de deux garçons à Burgos. Au dîner, je fais la connaissance de Pierre, qui est de Cholet et de Shirley, de Vancouver. Celle-ci me donne des nouvelles de Léonor : elle s'est arrêtée avant Puente-la-Reina et doit la rattraper demain. Dans mon dortoir, il y a deux couples d'Allemands, et une demi-douzaine de Sud-Coréennes. Je reste allongé huit heures et dors cinq ou six heures, ce qui me suffit tout à fait.


5. Samedi 2 mai. Puente la Reina – Ayégui (26 km)
Je pars un quart d'heure avant Hubert et Honoré pour pouvoir descendre à mon train de la colline où se trouve l'albergue mais, à peine arrivé en bas, ils me tombent dessus. Ils marchent à grands pas. Ce qui les intéresse c'est de faire des kilomètres, et, si possible, un peu plus qu'ils n'avaient prévu. Ils s'arrêtent rarement pour faire des photos, et pas du tout pour boire, car ils boivent comme les pilotes de formule 1, en tétant un tuyau en plastique relié à un réservoir d'eau placé dans leur sac. Chaque fois que je m'arrête pour faire une photo je dois courir pendant trente secondes pour les rattraper ; au bout d'une heure je les laisse partir.

Le ciel est menaçant, gros nuages gris et noirs, que le soleil finit par disperser, mais la température restera fraîche. Le camino est un chemin crayeux qui, comme hier, traverse des champs de blé de dimensions modestes ; les tiges ont environ 50 cm de haut et parfois les épis commencent à se former. On ne voit ni fermes (elles sont regroupées en villages), ni paysans (en cette saison, il n'y a rien à faire dans les champs). La bande herbeuse qui fait le pourtour des parcelles a parfois été passée au désherbant et est toute marron. Dans quelques jours, je verrai la même chose dans les oliveraies : de grands ronds marrons sous les oliviers, les paysans pourront ainsi étendre plus facilement leurs bâches sous les arbres pour y faire tomber les olives. Depuis l'Alto del Perdon nous sommes à environ 500 m d'altitude et on ne descendra jamais plus bas, sauf en arrivant à Santiago. La région est bossue, les collines succèdent aux vallées où coulent des rios que nous traversons sur des ponts romans et une ou deux fois romains. Après Burgos, quand nous entrerons dans la meseta, nous monterons à 800 ou 900 m et les ondulations seront plus amples.

Dès que ça descend, je retrouve mon problème de rotule. Il faut que j'apprenne à faire avec le corps que j'ai : m'en contenter. Déjà c'est un miracle que je sois là, alors pas de protestations. Je passe Lorca, Villatuerta, traverse Estella et arrive dans la banlieue de cette dernière, à Ayégui, où se trouve l'albergue municipale San Cipriano, Honoré m'a dit que c'est à celle-là qu'il fallait aller. Le dortoir unique de 80 places est en sous-sol, les fenêtres donnent sur l’intérieur d’un gymnase. Il y aura encore d'interminables ronflements.


6. Dimanche 3 mai. Ayégui – Los Arcos (18 km)
Hubert et Honoré sont partis de bonne heure pour Torrès, à 28 km d'ici ; pour être sûr d'avoir de la place (il n'y a pas de solution de rechange à 15 km à la ronde), il faut y arriver avant midi et moi, vu la vitesse à laquelle je marche, je ne pourrais pas y être avant 13 h 30, je serai donc obligé de m'arrêter avant, aux Arcos ; ils le savent et sont donc partis sans rien me dire. Je ne les reverrai plus.

Je sors de l'albergue à 7 h 30. Ce matin, j'ai mal au genou, même quand ça ne descend pas, je n'ai aucune expérience de ce mal, je me demande si c'est le ménisque ou une tendinite. Pierre me rattrape au bout d'une demi-heure et, pour m'être agréable, ralentit et m'accompagne un moment. Il marche déjà depuis 14 jours. Il habite à Cholet mais est allé commencer son pèlerinage à Lourdes. Il est très croyant et a prévu d'aller ce soir à la messe, aux Arcos. Nous entrons dans la Rioja, une région de vignobles ; les vignes sont irriguées : de minces tuyaux noirs courent à leurs pieds. Je commence à m'apercevoir qu'il y a partout un réseau dense de canaux d'irrigation. Il y a un grand canal dont on s'approche parfois, il y a des canaux plus petits, mais bétonnés, avec des vannes et des systèmes leur permettant de passer sous les routes, et puis de simples fossés allant apporter l'eau à chaque parcelle. Ça sera comme ça sur toute la meseta et jusqu'en Galice, où le relief est trop tourmenté pour qu'il y ait des canaux. Mes muscles sont chauds, je n'ai presque plus mal, la terre est belle, je suis heureux. Pierre et moi nous marchons ensemble jusqu'à Villamayor de Monjardin, puis soudain il me salue et s'éloigne à grands pas.

Ici, une personne c'est un pas. Que vous la voyiez à cinq mètres ou à cinquante, vous jugez tout de suite son pas, vous savez si vous la rattraperez ou si elle vous distancera, ou si elle marchera exactement à la même vitesse que vous. J'aurais mieux fait de commencer par dire : ici, une personne c'est un dos, car vous ne voyez les pèlerins que de dos, soit que vous les suiviez, que vous les rattrapiez ou qu'ils vous dépassent ; pour voir des pèlerins de face il faudrait se retourner, ce qui est difficile à cause du ballant du sac et qui est contraire à notre raison d'être de pèlerin (ne mobilisons-nous pas toutes nos forces pour aller de l'avant ?) Les seuls pèlerins que nous voyons facilement de face ce sont ceux qui reviennent de Santiago (j'en ai rencontré trois en 34 jours), et ceux qui habitent dans le coin et qui s'entraînent sac au dos parce qu'ils vont bientôt partir (j'en ai rencontré une douzaine).

Autre constante : nous marchons essentiellement le matin, entre 7 et 14 heures, et toujours vers l'ouest, donc toutes les photos du camino avec des marcheurs s'éloignant sont faites avec le soleil dans le dos (on dit éclairage de face), ce qui donne une image claire et plate, sans ombre, sauf les nôtres ; si vous voyez le chemin en contre-jour, c'est que le photographe s'est retourné, ou bien que c'est le soir, mais rares sont ceux qui marchent le soir.

Sur le chemin, le premier sujet de conversation, ce sont les motivations des pèlerins. Il y a une Allemande qui marche parce que son amie a un cancer, et depuis qu'elle marche, son amie va mieux ; elle lui téléphone tous les jours, elle n'est pas près de s'arrêter. Pierre marche pour que ses petits enfants se rendent compte qu'ils ne sont pas très raisonnables quand ils demandent à leurs parents de les emmener à l'école en voiture, alors que « papy a fait 1000 bornes à pied ». Une fille de Logrono marche « pour nettoyer le disque dur qui est dans sa tête ». Quant à moi, je pense que c'est une bonne occasion de mâter mon orgueil et de risquer le châtiment, c’est à dire l'obligation de m'arrêter.

Toute la matinée, nous avons marché sur un plateau comme soulevé par de très amples ondulations ; le chemin est blanc, crayeux, souvent rectiligne ; de chaque côté, il y a du blé, des vignobles irrigués. Parfois, il devient sentier, bordé de tamaris. Toutes les plantes sont en fleurs (sauf les ajoncs, déjà fanés) ; il y a des genêts, des jaunes et des blancs, des asphodèles, des bruyères blanches et rouges, des cistes, des griffes de sorcière, toutes les fleurs des champs et des bois, il y a réunies ici la flore des Pyrénées et celle de la Méditerranée.

L'alberguo municipale Isaac Santiago des Arcos est tenue par un couple de Flamands très sérieux et efficace. Tout est clean. Je suis dans une petite chambre où il n'y a que deux châlits, mes roomates sont trois Sud-Coréennes. Dîner dans la cuisine de l'albergue avec Pierre et deux dames qui ont fait des macaronis, et une salade de tomates ; comme dessert il y a une banane, chacun a payé deux euros. Les deux dames sont des aides-soignantes à la retraite, l'une a déjà fait le chemin trois fois mais elle ne le fera pas une 4e car elle a été piquée hier par des punaises, ce qui a déclenché chez elle une crise d'allergie terrible ; elle sait que demain son cou aura doublé de volume et qu'il faut qu'on lui fasse des piqûres d'un médicament rare ; aussi a-t-elle décidé d'arrêter et de revenir en France. Au dîner, il y a aussi un costaud, Jacques, ancien moniteur de rugby de la ville de Paris, retiré à Agen, parlant de tout sur un ton catégorique ; je lui montre mon genou : « C'est un début de tendinite », dit-il, et il me prescrit des enveloppements de glace. Ce soir, je prends deux cachets d'Avil avant de me coucher.